Lettre Agro N°48 : Pour faire équipe avec le colza, il n’y a pas que la féverole…

20 juillet 2020

Les plantes compagnes ont eu l’honneur du Dossier du 25ème numéro du « Jalons », le magazine Sulky du semis et de la fertilisation. Si la féverole est l’espèce la plus référencée en la matière, qu’en est-il du colza associé à des légumineuses comme les lentilles, le fenugrec, la gesse, voire le trèfle ?

 

Les performances du colza sont aléatoires, on le sait. Elles dépendent autant de la qualité d’implantation que de l’efficacité – aléatoire – des intrants selon les années. L’association de légumineuses gélives au colza peut y remédier. Elle contribue à améliorer la fertilité des sols (capables de fournir l’azote en fin d’hiver au colza, tout en luttant contre les mauvaises herbes), à perturber les insectes d’automne (grosses altises, charançons), à limiter la nuisibilité provoquée par les larves durant l’hiver.

Sous certaines conditions, la diminution de la concurrence des adventices est même au programme. Par ailleurs, l’apport de féverole dans l’association semble accélérer le drainage aidant par leurs racines à fissurer et aérer le sol, tout en stockant de l’azote. Mieux, il limite de façon surprenante le stress (anoxie) très préjudiciable au colza en sol hydromorphe.

 

Alors, quels contextes privilégier ?

 

Les sols à faible disponibilité en azote sont de bons candidats : sols superficiels, parcelles où les apports organiques sont peu fréquents. Les parcelles relativement propres sont à préférer. On choisira des variétés de colza très peu sensibles (TPS) à l’élongation automnale. On avancera la date de semis par rapport aux recommandations pour le colza en pur, surtout dans les sols argileux et les régions les plus fraîches (dans l’idéal, semer avant une pluie annoncée). Pour la densité, celle du colza reste inchangée par rapport à un colza seul, soit une densité entre 30 et 60 graines/m² selon les pertes estimées à la levée ; l’objectif est de 20 à 45 plantes/m² de colza. La date de levée doit impérativement s’établir au 1er septembre au plus tard en zone continentale, au 5 septembre dernier délai, en bordure maritime, ce qui impose un semis avant fin août.

XEOS TF
Semer deux espèces comme le colza et sa plante compagne, c’est le principe même de la trémie DUO de 70 litres, dont le système de dosage est relié à la console générale en cabine. En fin de journée, la vidange des trémies permet de récupérer des semences inutilisées…pures !

 

Choisir des espèces gélives

 

Pour éviter le recours à une destruction chimique, le choix des plantes les plus sensibles au gel est primordial, surtout en bordure maritime ou dans des zones où le gel est peu fréquent et peu prononcé. Les espèces les plus sensibles au gel sont les lentilles, le fenugrec, la gesse et les variétés mono-coupe de trèfle d’Alexandrie. A contrario, les vesces sont peu sensibles au gel (surtout la vesce commune, ou alors privilégier une variété précoce, comme Nacre), de même que le trèfle blanc. La sensibilité de la féverole (de printemps) au gel est aléatoire : elle dépend de son niveau de développement et de l’intensité du gel lorsqu’il survient.

Dans les parcelles à risque aphanomycès (présence de légumineuses sensibles à cette maladie dans la rotation comme le pois, la lentille… ou si le pouvoir infectieux du sol est supérieur à 1), il est recommandé de choisir des espèces non hôtes ou des variétés résistantes à aphanomycès pour ne pas multiplier l’inoculum. Ces espèces peuvent être la féverole, le fenugrec, le trèfle d’Alexandrie, etc…

Légumineuses
Caractéristiques des principales légumineuses en tant que plantes compagnes (source : Terres-Inovia)

 

Un couvert semi-permanent en ajoutant du trèfle blanc nain ?

 

Le trèfle blanc se développant très peu à l’automne, il apporte peu de bénéfices au colza. Sa croissance ne débute qu’au printemps (il est peu sensible au gel). Cette spécificité fait qu’il peut être ajouté dans un mélange de légumineuses gélives dans le but de se développer rapidement pendant l’interculture suivante, voire de servir de couvert permanent qui restera en place dans les cultures suivantes. Pour limiter les risques de compétition avec le colza au printemps, il est impératif de choisir des variétés de trèfle blanc naines, comme Aberace. Dans les systèmes avec couverture semi-permanente, il est conseillé de semer le couvert en même temps que le colza. Point important, la profondeur de semis du trèfle blanc doit être superficielle.

Pour en savoir plus et retrouver les caractéristiques de mélanges évalués par Terres Inovia, téléchargez gratuitement le guide « Colza associé à un couvert de légumineuses gélives », sur www.terresinovia.fr.

trémie-duo
Antilimace, semences, microgranulés : la trémie DUO offre une grande polyvalence. Ici zoom sur le doseur de cette mini-trémie.

 

FERTILISATION

 

Sulky
Reportage HLG Machinery chez Eta JAN

 

Céréales : il fallait rester très sobre sur le premier apport d’azote cette année !

 

Des reliquats azotés faibles à moyens sur des céréales malmenées par les excès d’eau puis le gel militaient pour un premier apport d’azote très modéré, selon Jean-Charles DESWARTE d’ARVALIS – Institut du végétal. On fractionnera l’apport principal autour du stade « épi 1 cm » et on reviendra courant/fin montaison.

 

Des reliquats azotés moyens à faibles

Compte-tenu des cumuls de pluie importants au cours de l’hiver, une partie de l’azote minéral du sol a pu être entraînée au-delà de la zone explorée par les racines. Les premiers retours de mesures de reliquats azotés indiquaient des valeurs faibles à moyennes, par rapport aux valeurs pluriannuelles.

Le soufre est également sujet à entraînement suite à des cumuls de précipitation importants. Les secteurs à fortes pertes de reliquats azotés sont donc également éligibles à une fertilisation azotée soufrée.

Une absorption d’azote parfois pénalisée par l’excès d’eau et le gel

Malgré un cumul de températures depuis le semis plutôt élevé, la croissance des cultures a été freinée par l’excès d’eau et le manque de rayonnement, frein d’autant plus fort que les parcelles ont été semées tardivement.

Le gel a également causé une défoliation partielle des cultures. On risque donc d’observer localement des niveaux d’absorption d’azote par les céréales d’hiver moyens à faibles en cette sortie d’hiver, avec des effets de milieu (sol, drainage) et de pratiques (date de semis) importants.

Une culture bien développée en sortie d’hiver peut aisément avoir absorbé 40 à 60 unités d’azote à l’hectare si le stade est avancé et la biomasse forte. A l’inverse, une céréale chétive (semée tard ou carencée en azote par l’hydromorphie) peut, à la même date, n’avoir absorbé que 10 à 20 unités d’azote à l’hectare.

Evidemment, le potentiel de rendement n’est que faiblement corrélé à l’état de la culture à la sortie d’hiver. Le climat à venir et les propriétés du sol conditionneront fortement l’évolution des cultures.

En conséquence, des objectifs de rendement inchangés combinés à des reliquats azotés faibles et à une absorption réduites d’azote par les cultures vont conduire à des doses d’azote conseillées a priori (dose X) élevées, qu’il va falloir fractionner et piloter au mieux.

Une dynamique de croissance freinée par des températures froides

Les vagues de froid de février 2018 ont ralenti très fortement la croissance et le développement des cultures. Les dates d’apparition du stade « épi à 1 cm » sont ainsi être assez conformes, voire tardives.

Par ailleurs, les sols humides et froids combinés à des plantes parfois encore stressées vont conduire à des croissances des cultures faibles. Corolaire de ces croissances réduites, les besoins instantanés en azote vont également être faibles.

DX Sulky
 

Vers des doses totales plutôt élevées, en 4 apports

 

La combinaison de reliquats faibles et d’enracinements malmenés par les excès d’eau risque de rendre l’absorption de quantités suffisantes d’azote du sol difficile, voire impossible. Il est donc indispensable de pallier ce manque par des apports d’engrais minéraux en surface. Encore faut-il rappeler que la valorisation de tels apports de sortie d’hiver est médiocre, surtout lorsque les plantes ont une croissance instantanée faible. Cela militait donc en faveur de premiers apports très modérés, à renouveler le cas échéant dès que les conditions climatiques stimuleront fortement la croissance des plantes.

On s’oriente donc préférentiellement en 2018 vers des stratégies de fractionnement en 4 apports :

  • Un premier apport N1 très modéré dès que la portance du sol le permet, d’autant plus que l’arrivée d’une vague de froid pourrait entrainer des destructions partielles ou totales de cultures.
  • Des apports fractionnés N2 et N2’ qui permettent d’accompagner la fin du tallage et le début de la montaison, plutôt qu’un apport unique massif autour du stade épi 1 cm et soumis à l’aléa climatique
  • Un apport « tardif » N3 courant/fin montaison pour ajuster la nutrition azotée sur la base de l’absorption antérieure et du potentiel de rendement.

La grande disparité des parcelles, en fonction notamment des conséquences des excès d’eau et du gel, va de plus nécessiter de piloter la fertilisation parcelle par parcelle, et une stratégie avec modulation par GPS va permettre de bien prendre en compte les disparités intra-parcellaires.

Jalon Magazine

Je m’abonne

Nous avons bien pris en compte votre inscription.