Chaulage : un enjeu économique et environnemental “Redresser le pH pour redresser les comptes”

9 juillet 2020

La majorité des sols métropolitains (environ 80 %) nécessitent un chaulage régulier pour exprimer pleinement leur potentiel agronomique. Hors la remise en cause de cette intervention s’avère être un bien mauvais calcul, tant sur le plan économique que sur le plan environnemental. Car le maintien d’un pH adéquat conditionne la santé des plantes par une meilleure valorisation des engrais minéraux et une vie biologique intensifiée, optimise la structure du sol – meilleur enracinement, drainage, résistance au tassement et à l’érosion – et s’avère aussi capable de répondre aux défis environnementaux auquel notre secteur devra se confronter.

 

Les apports de valeurs neutralisantes (amendements calcaires, carbonates, scories, etc) ont été réduits de façon excessive au cours des dernières années. Certes, un meilleur ajustement de la fertilisation azotée a pu limiter quelque peu l’acidification des sols agricoles. Mais d’autres évolutions des pratiques ont eu impact néfaste, à l’image de la réduction du travail du sol concentrant l’acidification en surface. Cette acidification est une tendance globale ; un phénomène lent et inéluctable en sols non-calcaires sous nos climats. C’est un phénomène naturel, car conséquence de la pluviométrie qui a tendance à lessiver certaines bases, de la minéralisation de la matière organique (libération d’ions H+), de l’excrétion de produits acides par les racines (en particulier par les légumineuses).

 

Il est exacerbé par les pratiques agricoles, à l’image de l’usage d’engrais à forme ammoniacale (en particulier ammonitrate et digestat) ou encore d’une irrigation mal maîtrisée qui implique parfois un drainage trop important (découlant sur une perte des bases et Ca2+ de surface).

 

Affectant le complexe argilo-humique et la capacité d’échange cationique (CEC) ; soit la capacité du sol à retenir les éléments nutritifs et à les rendre disponibles pour la culture. Le pH se mesure sur une échelle logarithmique, et à pH 6, la concentration d’ions H+ est dix fois plus importante qu’à pH 7 (la CEC peut ainsi doubler entre 5 et 7). Hors ils remplacent les ions basiques (Ca2+, Mg2+, K+, Na+ ) tel que le calcium, réputé bénéfique à la structure du sol et à la formation d’agrégats stables, qui limitent la battance et l’érosion. « La pluviométrie très importante de l’hiver dernier a encore davantage mis en évidence les bénéfices dans les limons fragiles de l’Ouest de la France » note Laurent Varvoux, du service agronomique de la coopérative Terrena.

 

A l’inverse des éléments basiques, les métaux sont solubles donc assimilables à des pH acides. A l’image de l’aluminium qui pénalise le développement racinaire. Par ailleurs, en sols acides, le phosphore se complexe avec le Fer et devient insoluble (non-prélevable par les plantes). « Faire un apport de phosphates sur un sol acide est donc une perte puisque les phosphates se rétrogradent assez rapidement » notent les experts de l’université Sophia-Antipolis, pour qui la gestion de la fertilité chimique et la gestion du pH sont indissociables. Car le constat très marqué pour le phosphore, vaut aussi pour les éléments N et K, qui perdent eux aussi en efficacité avec la baisse du pH. Sans même considérer leur perte vers les nappes phréatiques, faute d’avoir pu se fixer sur le complexe argilo-humique ou être assimilées par les plantes.

 

Povyvrac Xt
Chaulage effectué avec un polyvrac XT Sulky

 

Par extrapolation, l’influence positive sur la dynamique de levée permettra d’optimiser le nombre de pieds / m², celle sur la colonisation racinaire, le rendement par pied. Et in-fine, le rendement. Ainsi la meilleure nutrition peut à la fois améliorer le rendement ET la qualité des récoltes. « Sur un maïs ensilage dont on estime qu’il coûte 80 euros par tonne de matière sèche, les essais démontrent un rendement accru de 2,5 tonnes de matière sèche, c’est un gain de 200 euros par hectare pour l’éleveur » note Hubert Gueneguou, expert du Groupe Pigeon (producteur d’amendements calcaires).

 

 

Améliorer la vie biologique

 

Le développement des populations bactériennes est optimal à pH 6,7 – 6,9. La qualité et la diversité des vers de terre également. L’apport d’amendements basiques permettrait ainsi d’améliorer la décomposition de la matière organique, et valoriser au mieux les engrais de ferme. Selon l’auteur d’une étude portant sur les gains de rendement potentiels (S.Violleau, essai réalisé par les Chambres d’Agriculture d’Auvergne à Laqueuille, sur sol volcanique à pH 5,7), les engrais organiques que sont les lisiers, fumiers et déjections au pâturage couvrent les deux tiers des besoins en azote, mais seulement 20 à 30 % du besoin en valeurs neutralisantes. L’étude en question avait ainsi démontré qu’un chaulage seul permettait d’augmenter de 17 % le rendement ; qu’une fertilisation azotée l’augmentait de 40 % ; mais que les deux pratiques combinées débouchaient sur une augmentation impressionnante de la récolte : + 64 % !

 

En élevage, l’enjeu concerne aussi la valeur alimentaire. Des recherches de l’INRA de Quimper ont démontré que la neutralisation du pH permettait d’enrichir les fourrages en éléments Ca, Mg et P. Un enjeu auquel est souvent confronté David Letresor, entrepreneur de travaux agricoles à Bonnebosq (Calvados) auprès d’une clientèle exigeante constituée de haras, qui mobilisent des nutritionnistes de façon très régulière. « Si les agriculteurs ont parfois tendance à faire l’impasse, ces derniers sont convaincus de l’intérêt d’un pH maîtrisé sur la qualité des fourrages et la santé des chevaux du point de vue sanitaire. D’autant que « les valeurs neutralisantes » sont probablement les seuls intrants qui n’ont pas augmenté en prix depuis quinze ans. » Le chaulage de pâtures à l’automne limite le risque de déséquilibre ionique dans le rumen des animaux. Il aura une influence positive sur les problèmes de pattes. Et alors que les conditions favorables au développement de parasites telles que les tiques se font de plus en plus courantes, un apport de chaux vive peut se révéler intéressant pour réduire les frais vétérinaires. Et ainsi conforter la hausse de productivité des animaux, sur le plan de la rentabilité.

 

Des bénéfices environnementaux

 

Le maintien du pH optimal limite l’érosion et les pollutions par ruissellement et lixiviation des engrais. Mais face aux enjeux environnementaux auquel l’agriculture devra inévitablement se confronter à l’avenir, l’apport de valeur neutralisantes présente aussi un champ d’améliorations notables. Une étude d’INRAE montre qu’un pH supérieur à 6,8* permet de réduire de 50 % les émissions de protoxyde d’azote (N2O), polluant émis principalement par l’agriculture et sur lequel les projecteurs seront inévitablement braqués à l’avenir. La maîtrise du pH limite aussi les émissions d’ammoniac (NH3). Sans oublier que la grande majorité des produits – extraits de carrières et ne subissant que peu de transformations, à l’exception de la chaux vive qui nécessite une cuisson – présente un bilan CO2 positif. D’autant qu’ils sont produits sur notre territoire. La dépense énergétique modérée de ces produits au stade de la fabrication a ainsi permis d’en limiter la hausse du prix contrairement aux engrais de synthèse. Encore une raison supplémentaire de procéder rapidement à un chaulage de redressement (si besoin), et de ne plus reporter les chaulages d’entretien réguliers à l’avenir.

 

Pour raisonner l’apport de valeurs neutralisantes :

 

Logiciel d’aide (dose, produit) à l’aide de l’IPA (« indice de positionnement agronomique ») conçu par l’Unifa : https://ipa-chaulage.info/index.php/le-raisonnement-du-chaulage-et-calcul-des-besoins#logiciel

 

Tableau
ILLUSTRATIONS FOURNIES PAR Hubert Gueneguou (Groupe Pigeon) – source Unifa


Invivo

Etude sur 1840 parcelles en Pays-de-Loire (2002 à 2005) et parcelle en monoculture maïs grain irrigué (département 79).

 

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